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JANE BIRKIN
“ENFANTS D’HIVER”

Permission céleste

Jane Birkin s’en étonne elle-même : “Ma voix me chante à travers les haut-parleurs et je n’ai pas honte…” Pour la première fois, tous les textes de son nouvel album lui appartiennent. Et c’est si bien écrit qu’on ne peut s’empêcher de les écouter sans penser à Gainsbourg… Qui lui avait pourtant interdit de chanter un autre que lui !

Serge Gainsbourg lui a écrit sept albums. Amours des feintes, peu de temps avant sa mort, fut le dernier qu’il lui dédia.
Depuis 1991, Jane Birkin a tenté de se séparer de cette œuvre à jamais enlacée à son image. La femme a connu d’autres hommes et la muse, d’autres créateurs. Avec À la légère (1999) et Rendez-vous (2004), seule puis en duos, elle interprète différents artistes, prête son accent à des musiques et des textes qui racontent toujours la Jane d’un Comic Strip ou une Birkin plus pathétique. Arabesque (2002) est l’entre-deux obligatoire : la chanteuse y estompe ses « infidélités », orne à nouveau sa discographie avec les titres du passé. Pourtant, l’ex-fan des sixties continue de prendre ses libertés, et enchaîne avec les mots moins français de Fictions (2006), comme pour tourner la page…

Jane Birkin l’a principalement écrit il y a sept ans : Enfants d’hiver, qui sort et la fait naître aujourd’hui, est le premier enregistrement qui l’affranchit enfin de Gainsbourg. Pour cela, Jane Birkin a signé toutes ses paroles. Et posé sa voix sur des notes sobres, feutrées, actuelles, avec les accords d’Alain Souchon, Franck Eulry et Hawksley Workman, entre autres discrets et complices compositeurs. Le verbe en rythmique, l’auteure couche sur leurs partitions des rimes intimes – des souvenirs d’enfance (Enfants d’hiver), l’amant d’un soir (14 février), la sexualité des seniors (Prends ma main).
La verve poétique, elle touche aussi la portée d’un sentiment avec des figures qui ne manquent pas de style – la lauréate birmane du prix Nobel de la paix, toujours « enfermée » (Aung San Suu Kyi), sa fille Charlotte, jamais nommée (Pourquoi). Quant au Serge mythique, qu’il en reste bouche bée : à force de vouloir lui fausser compagnie, sa Jane B. le conjugue au présent, très justement, dans une ultime chanson céleste (Je suis au bord de ta fenêtre).

La glace est brisée. Une bonne nouvelle pour cette étoile : Enfants d’hiver est, même dans les non-dits, une belle preuve d’amour.


ENFANTS D’HIVER, DE JANE BIRKIN (EMI / CAPITOL, 2008)

Mickaël Pagano

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