LOVE STREAMS
PORTRAIT
Nouvelles vagues
« J’aime le cinéma ! »
Cette tendre déclaration d’Agnès B., reproduite sur un tee-shirt et souvent inscrite à même les murs de ses boutiques, a pris une nouvelle dimension en 1997. Il y a huit ans, la styliste créait sa propre société de production filmique : Love Streams.
« À force d’aider des films à se finir, d’intervenir de différentes manières sans être vraiment impliquée, j’ai décidé finalement d’affirmer d’une autre manière un vrai amour pour le cinéma. » Parce qu’elle était régulièrement sollicitée par le Septième Art, qu’autour d’elle nombre d’amis vidéastes et cinéastes lui soumettaient d’autres plans, Agnès B. a créé en 1997 une société de production de films. Avec l’accord de Gena Rowlands – qui lui cède là le titre du plus grand succès public de son défunt mari, le réalisateur John Cassavetes –, Agnès choisit de l’appeler Love Streams : « car le cinéma exige sans doute beaucoup d’amour… Un hommage à John Cassavetes, à sa vision de la vie, des êtres et du cinéma. »
Mais la mécène ne se projette pas immédiatement comme productrice. « Il y a de belles histoires aux sources de Love Streams, se souvient Nadja Romain, coresponsable de la société, dans un habile flash-back. Celle de Trouble Every Day, notamment. Claire Denis et Agnès s’appréciaient mutuellement, sans vraiment se connaître. Et puis la réalisatrice a demandé de l’aide à Agnès pour achever son tournage. Le film a pu exister grâce à son assistance à la dernière minute. Mais ça ne se passe plus du tout comme ça. » Désormais, Agnès est présente dès l’origine des projets (fictions, films d’artistes, aide à la distribution ou à la restauration de certains chefs-d’œuvre) auxquels elle participe, voire à leur initiative. « Là encore, tout est une histoire de rencontre. Les choses se font de manière très intuitive. Agnès est capable de sentir instantanément l’intérêt d’un projet et de se lancer dedans corps et âme – quand tant d’autres prennent six mois de réflexion et de calculs ! »
Aujourd’hui, Love Streams présente un catalogue organisé autour d’axes de travail précis « qui répondent aux goûts d’Agnès et à son histoire personnelle avec le cinéma ».
La société a donc pris un billet pour une pérenne séance de cinéma indépendant et voit d’un bon œil les différents cadres où agnès b. se met en scène : le prêt de vêtements à des costumiers et des acteurs (Pulp Fiction de Quentin Tarantino, Mulholland Drive de David Lynch), et, récemment, la création d’une collection de DVD intitulée « j’aime le cinéma ! » Éditée par Cinémalta (dont la styliste est, à titre personnel cette fois, la cofondatrice avec Bertrand Maltaverne et Gilles Boulenger), celle-ci fut même inaugurée avec la sortie de l’œuvre fétiche d’Agnès, Love Streams. « J’espère y voir figurer un jour certains titres auxquels Agnès est attachée, comme La Charge de la brigade légère de Tony Richardson et autres films de Ken Russel ou W. C. Fields… Mais il est si difficile d’obtenir les droits d’exploitation de la part des majors ! » ajoute Nadja qui veille aussi au bon développement de la collection.
Les synopsis, scénarios et story-board qui encombraient les bureaux de Love Streams ont depuis peu laissé place aux montages puis aux visionnages dans les salles obscures. Ces huit premières années auront permis à la société d’écrire les premières scènes de sa propre histoire d’amour pour le cinéma, faite de rencontres et d’amitiés. « Dans tout ce qu’elle entreprend, et particulièrement dans les domaines artistiques, Agnès fonctionne toujours au coup de cœur. Mais j’aime ce qu’elle défend, et c’est tout à fait passionnant de travailler avec elle dans ses envies. »
À la conclusion de Nadja Romain, l’on pourrait prêter à John Cassavetes une éventuelle réponse et authentique citation : « Faire des films, c’est en fait du plaisir à l’état pur. Il faut s’amuser et être dégagé… Aimer son travail et le faire en compagnie de gens formidables. C’est ça qui me garde en vie. »
Mickaël Pagano, 2005