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ALB.
“ENDLESS TOGETHER”

Comme un air d'éternité

On aurait pu croire à un cliché. L’obturateur d’un appareil photo, qui ferme une intro’ aux allures estivales et fige donc ses voix féminine et guitare acoustique couplées sur le frémissement des ondes (radio ou vagues selon notre imagination), nous met d’ailleurs sur cette fausse piste. Non, Endless Together, le nouveau single signé alb. n’est pas un énième titre R&B. Si la basse et la boîte à rythmes le laissent supposer au début, la chanson est vite exposée aux virus sonores d’un jeu vidéo, et même le refrain altère et syncope le beat pour le rendre soudain plus électronique. Un grain de sable dans une machine trop bien huilée, un coup de griffe dans le mainstream.

Et c’est bien là la patte de son compositeur. Sur l’album Mange-disque (Rise Recordings / Discograph, 2007), Clément Daquin programmait déjà ses ordinateurs pour des cadences saccadées (CV209) ou justement parfaitement mesurées (Reims-Roubaix, Sweet Sensation) ; pour Come Out! It’s Beautiful (Arista / Sony Music, 2014), il instrumentait trois versions d’une Nature synthétique totalement recréée avec ses appareils et retouchait Golden Chains en live avec divers bruitages empruntés à l’univers des consoles Nintendo…

Une fois encore, donc, après deux opus aux couleurs si différentes, l’artiste se dérobe à nos attentes : Clément dépeint un monde musical où on ne l’attendait pas et s’en empare. Pour le faire à son image.

L’auteur-interprète s’y projette corps et âme et se livre dans un flow de paroles articulées autour d’un seul thème : la relation (impossible) avec le virtuel. Une liaison que Clément Daquin entretient doublement à la faveur du projet alb.

D’abord parce que le musicien-technicien n’a jamais caché un amour certain pour les machines. Alors, quand il dévoile dans Endless Together la romance malheureusement chimérique entre l’homme et la femme-robot, ses propos éprouvent volontiers un sujet personnel.

Ensuite parce que, si l’on envisage une explication de texte moins numérique, plus symbolique, il écrit aussi le portrait plus universel des rapports incorporels d’un créateur avec sa muse voire même son inspiration.

Ces deux pensées stimulaient déjà Ralph & Kathy – sur l’album You, My Baby & I (Solid / V2 / Sony Music, 1999) –, un duo d’Alex Gopher dans lequel deux interfaces vocales communiquaient aussi les problèmes de leur connexion : « You are not alone / I am your computer and I am with you / I am here to reassure you / I am here to lead you » « Will you help me? » « I can take you to the right place ».
Ici encore, Clément Daquin ne souffre aucune redite. Les maux exprimés dans Endless Together pourraient même être l’origine, mais a posteriori, du texte d’Alex Gopher. Comment deux cœurs, l’un humain et l’autre androïde, pourraient-ils vivre une passion en bonne intelligence ? Cette dernière doit être artificielle chez les deux entités, semble répondre Clément Daquin dont le timbre de voix devient métallique pour déclarer sa flamme éternelle à Daisy : « Now I’m here, honey / We’ll always be together / Our love will last forever ». Ces derniers mots résonnant d’ailleurs comme une citation à la chanson de son ami mentor et pair, qui évoquait ce même désir en filigrane d’être à jamais réunis : « I am here / Just for you » « So long for eternity ».

À l’écoute, en boucle, d’Endless Together, on cesse vite de croire à la théorie du disque rayé. Loin de la répétition, du déjà-vu à l’oreille, l’écriture (composition et narration) comme la production du futur alb. prédisent un bel album à venir… Prévision trop hâtive ? Clément Daquin est l’incarnation même de l’anticipation : une note appartenant à un accord mais qui dissone un court instant parce qu’elle est jouée en avance…

 

ENDLESS TOGETHER, DE ALB. (ARISTA / SONY MUSIC, 2016)

Mickaël Pagano, 2016

© PHOTOS : COLIN SOLAL CARDO / SOLAB

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