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AIR
PORTRAIT

Nouvelle ère

1969 : Après les images visionnaires de Stanley Kubrick dans une ambitieuse Odyssée de l’espace, la planète se passionne pour « un petit pas » que Neil Armstrong laisse sur la Lune. Comme par intuition, Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin voient le jour…
2001 : Le monde entier attend après l’annonce spéciale ou spécieuse, spatiale et spacieuse, de l’atterrissage imminent des prochains airs du duo.

S’ils font partie de cette French Touch que la presse britannique – cette grenouille infaillible de la météo universelle – nous envie, c’est d’abord parce qu’ils ont, malgré eux, profité d’une rafale médiatique.
En effet, Jean-Benoît et Nicolas ont grandi à Versailles dans un même univers culturel : au lycée déjà ils s’inspiraient de tous les courants musicaux, aspiraient à s’élever aussi haut qu’un David Bowie (Life on Mars?, 1971) en créant Orange, un quintet amplifié. Mais les maisons de disques ne s’illuminent pas à l’écoute de leurs compositions, et le groupe s’éteint. Nos deux artistes retombent brutalement sur terre et retournent à leurs études.
Nicolas, cependant, abreuve ses créations personnelles d’un nouveau souffle. JB le rejoint quand bientôt, les producteurs de Source boivent ses paroles et ses mélodies. Jusqu’à s’enivrer, sans se rendre malade, d’un flot de singles que le duo réunit sur un premier album. Les Premiers symptômes (1997) connus, AIR se lance à la conquête du Cosmos dans un Moon Safari (1998).

Fermez les yeux, ouvrez les cieux. Vous flottez sur quelques envolées lyriques du chant, virevoltez avec une constellation de cordes, apercevez d’autres voix séraphiques, êtes mis en orbite autour de planantes partitions pour guitare et piano… Oui, les morceaux sont légers. Parfois même, l’intemporelle boule à facette se devine dans le scintillement des étoiles. Néanmoins, le décollage est immédiat : un million de terriens participent au voyage ! Mais, tandis que leur tournée américaine fait salles combles, que l’Angleterre élit nos deux Versaillais « meilleur groupe de l’année », l’Hexagone reste frileux et se contente d’une petite bouffée d’AIR. Il faudra attendre un an pour que cette élite professionnelle leur remette une récompense sélénite providentielle.
AIR, la tête dans les nuages, garde donc les pieds sur terre : il ne faut pas tracer de plans sur la comète. Il s’agit de se projeter dans l’avenir avec réflexion.

Et puis, à la vitesse de la lumière et du son réunis, JB et Nicolas filent éclairer la mise en scène de Sofia Coppola, Virgin Suicides (2000), en lui associant une bande originale plutôt sombre. Les doux songes d’hier laissent place à de saisissants cauchemars : diverses plaintes fantomatiques se substituent aux ballades angéliques, et toutes les sonorités célestes se font soudain plus souterraines. C’est le reflet possible d’un sidéral et sidérant The Dark Side of the Moon (Pink Floyd, 1973).
Mais l’accueil et l’enthousiasme du public restent identiques aux précédents. Et cette fois, l’auditoire national n’est pas en reste et apprécie – 65 000 exemplaires vendus sur le seul sol français – ; même les pairs de la paire lui décernent un nouveau prix lors des dernières Victoires de la musique.

Il était temps ! Car en ce début de millénaire, on l’a suffisamment approchée pour ne point décrocher la Lune.

 

10 000 HZ LEGEND, DE AIR (SOURCE / VIRGIN, 2001)

Mickaël Pagano, 2001

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